Antoine Héberlé (Ciné 1985) parle de son travail sur le film "STUPS"
Publié le 13/10/2025
Comme spectateur, j’accompagne le travail d’Alice Odiot et de JeanRobert Viallet depuis quelque temps. Tous deux sont lauréats du prix Albert Londres, lui en 2010 pour La mise à mort du travail, et elle en 2012 pour Zambie, à qui profite le cuivre? Ils font partie des cinéastes qui comptent dans le documentaire.
A Marseille, où le microcosme du cinéma est bien plus restreint qu’à Paris, les rencontres sont plus faciles et conviviales lors des avant-premières. Nous nous étions donc déjà rencontrés quand ils m’ont contacté pour le tournage de STUPS qui remonte déjà à plus de deux ans.
Le film s’attache à comprendre, à travers le travaille de l’institution judiciaire, les rouages du narco-trafic qui gangrène la cité et prospère sur les inégalités. Pour la première fois en France (hors tournage d’archives pour des procès exceptionnels ou historiques comme celui de Klaus Barbie), une caméra était autorisée à pénétrer l’enceinte d’un tribunal. Les conditions requises par le parquet de Marseille étaient d’obtenir l’assentiment de chacun des protagonistes de cet impressionnant décorum.
Après pas mal d’approches, Alice et Jean-Robert ont réussi à convaincre deux juges de nous ouvrir les portes des comparutions immédiates et du tribunal judiciaire pour enfants. Encore fallait-il convaincre les procureurs, les assesseurs, les greffiers et les policiers en faction - qui changeaient d’un jour sur l’autre... Bonjour l’équation.
Mais surtout, ils nous fallait l’accord des prévenus. La plupart du temps c’était un refus ou sinon ça se décidait au dernier moment, quelques minutes avant l’audience. Nous étions donc prêts à tourner toute une journée, voire tard dans la soirée, ou pas du tout. En ce qui concerne les avocats, jamais aucun refus, trop heureux que leur prestation puisse être vue et entendue au-delà de l’enceinte sacralisée de la salle d’audience.
Le dispositif était assez simple avec deux caméras croisées. Je tournais avec une Arri Amira équipée d’un zoom Fujinon 19-90 mm qui correspondait parfaitement aux dimensions de la salle d’audience. Je déplaçais seul cet ensemble sur son bazooka à roulettes.
Jean-Robert filmait avec son Alpha 7 S II et se déplaçait davantage. Si un accord était conclu, il filmait les prévenus dans les geôles juste avant leur entrée en salle d’audience, et ensuite depuis le box. Des déplacements très discrets étaient tolérés pendant les audiences, ce qui nous permettait d’assurer des axes multiples, sur la cour, le ou la procureur-re, les avocats et les prévenus.
En lumière, les interventions dans la salle d’audience étaient très restreintes. Impossible d’installer quoique ce soit sur pied ou suspendu. Je me suis donc surtout attelé à modeler ce qui existait, c’est à dire éteindre ou calmer des plafonniers, réorienter la lumière avec de petits réflecteurs de carton-plumes encollés de Roscoflex.
Au laboratoire Polyson, Kevin Stragliati et moi-même avons construit des LUTs pour aligner les deux caméras qui tournaient sur des codecs totalement différents mais finalement pas si difficile à faire converger dans cette situation de lumière assez uniforme.
Tournage en équipe très réduite donc - pas d’assistant camera ni machiniste ou électro, mais seulement l’aide précieuse de Sofiane Bouchentouf qui a été notre électro-machino-assistant etc… tout du long. Avec également l’aide précieuse de Michael Curet, l’assistant d’Alice qui a brassé pas mal d’équipement avec nous dans les couloirs du palais.
[Voir le synopsis, les crédits, les spécifications techniques et les sélections en festival sous la bande-annonce]
Documentaire, 2025, France, 86 minutes, couleur
Synopsis. Une grande porte en métal qui coulisse pour laisser entrer les fourgons de la Police. Des hommes en sortent, avec leurs histoires. Des murs, des geôles, des escaliers en pierre, des salles d'audience, des coulisses, des larmes, des cris, des regards. Le tribunal de Marseille est débordé par les affaires de stupéfiants. Ceux qui sont jugés là sont les gérants d’une économie du chaos. Ce sont aussi les petits travailleurs du shit, des enfants qui ont grandi seuls. En contrebas, le port, au loin, les quartiers périphériques, la ville bouillante, remplie de ses blessures. De ses beautés aussi.
Ecriture et réalisation : Alice Odiot, Jean-Robert Viallet
Image : Antoine Héberlé et Jean-Robert Viallet
Son: Jean-Michel Tresallet
Montage : Catherine Catella
Musique originale : Marek Hunhap
Production : Bruno Nahon, Unité
Distribution : JHR Films
Sortie en salle : 01/10/2025
Diffusion TV : ARTE France
Caméras:
- Arri Amira en ProRes 4444XQ - 3,2 K + Zoom Fujinon 19-90 mm + 3
focales fixes Zeiss Standard T:2,1 ( 24 - 32- 40 mm) chez Panavision Marseille
- Sony Alpha 7 S II en XAVC -S 4K Slog3 + 2 zooms Sigma Art 24-70
mm et 70-200 mm
Bazooka KGS de La Bouée
Post-production chez Polyson
Etalonneur : Kevin Stragliati
Sélections en festival
- 2025 • FIPADOC - Festival International Documentaire • Biarritz (France) • Documentaire national - Première mondiale
- 2025 • Festival 2 Cinéma de Valenciennes • Valenciennes (France) • Compétition documentaire
- 2025 • Festival de cinéma de Saint-Paul-Trois-Châteaux • Saint-Paul-Trois-Châteaux (France) • Sélection